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PHOTOS PARCours

 

Les photos seront placées durant la période de PARCours.

Foto's zullen hier tijdens PARCours/PARKunst worden geplaatst.

Elise Flament, historienne de l’art Université Lyon 2 - Art Contemporain et Paysagisme.

Le premier constat effectué à la lecture du programme PARCours-PARKunst est celui de l’humilité. Humilité face à sa richesse et aux enjeux essentiels de la société actuelle qu’il aborde. S’exprimer sur le projet PARCours, sans omettre, déformer, instrumentaliser les œuvres de ces artistes, est un véritable défi. Mais le jeu en vaut la chandelle. Le Parcours artistique proposé par l’asbl Lieux-Communs et la Commune de Woluwe-Saint-Pierre est une démonstration d’humilité offrant, à tous et à chacun, aux artistes comme aux publics, de reconsidérer leur rapport à l’espace, à l’Homme et à la nature, dans son amplitude, sa complexité et sa générosité. L’humilité est donc intrinsèque aux œuvres de ses artistes qui considèrent avec respect et attention le monde vivant et sensible auquel ils appartiennent. Ils nous permettent par leurs regards singuliers et subtils de sortir des sentiers battus et ouvrent de nouvelles perspectives pour l’avenir.

 

Au-delà des frontières

 

PARCours répond au dessein de lier Nature et Urbanité à travers le Parc, qui en est le trait d’union. L’humain et la nature s’y côtoient en harmonie. Le parc paysagé témoigne du génie de l’homme à magnifier le visage de Dame Nature. Il possède également les qualités sociales de la place urbaine et régénérantes de la campagne.

Historiquement, l’espace vert est un espace libéré de sa charge militaire et de son apathie. En effet, au XIXe siècle, la destruction des enceintes et des citadelles libère les villes de leurs carcans de pierre, permet leur expansion et ouvre de nouveaux espaces de promenades arborées. Sur ces anciennes frontières, des lieux de sociabilité sont édifiés, et amènent la confrontation d’entités différentes, parfois en apparente contradiction. Le parc du Woluwe a sa propre histoire : celle d’un « Roi bâtisseur » trouvant dans ces jardins, une image belle et tranquille d’une société forte et prospère parfois ternie par un rêve de grandeur colonialiste. Cependant, ce Roi légua ses précieux biens, ces espaces élégants et verdoyants, à sa « patrie », au peuple afin qu’il en ait l’accès et l’usage. Cet héritage n’est pas mince : poumons de Bruxelles, patrimoine historique et botanique, espace public libre… il ne pouvait qu’acquérir une dimension artistique contemporaine.

Ici, l’espace public se mesure donc à la nature. Le parc comme la place sont par essence des lieux générateurs de liens sociaux, de rencontres et de découvertes. Ces territoires philosophiques sont possiblement des espaces que des groupes et des individus peuvent s’approprier matériellement et symboliquement. Intégrer des œuvres artistiques dans ces espaces permet la mise à distance d’un territoire historique familier, afin de réinvestir ce dernier comme une terre nouvelle, « le re-connaître » (C. Grenier Reconquérir le monde 2001). Considérer le musée comme un espace extérieur parcourable, où le public peut, à son gré, flâner ; se promener ; voyager ; visiter et errer, permet le renouvellement des liens qui unissent le citadin-citoyen à son environnement et à son rapport au temps. Les parcs, les voies et les places demeurent des lieux d’extrême mobilité. Leur compréhension suppose une prise en compte des notions de temps et de mouvement ; de la contemplation à la course, de la vibration de l’air à la succession des siècles. Le lieu bouge et nous le percevons par rapport à notre propre mobilité. L’interaction réciproque entre celui-ci et nous-mêmes permet une ouverture au monde féconde. De la promenade, encadrée dans un temps et un espace circonscrit, qui active les lumières de la raison philosophique de Socrate, Montaigne, Diderot ou Sartre ; à la flânerie baudelairienne, qui donne une dimension poétique à la vie quotidienne par l’interpénétration du réel et de l’imaginaire. Le déplacement c’est aussi le voyage, ponctué de rencontres et de surprises où l’inattendu fait école et permet l’émancipation par la perturbation de l’équilibre familier (Ernst Blosh, Le principe de l’espérance, 1982). Et pourquoi ne pas céder à l’errance, un abandon absolu au temps et au lieu qui fait triompher le hasard ?

Parcourir un lieu, c’est d’une part se l’approprier, moins matériellement que mentalement, mais c’est aussi accepter qu’il nous échappe, qu’il appartienne à d’autres, à tous et à personne. En effet, l’individu errant dans sa propre quête est par essence, le principe-même de « l’anti colonisateur », explique le photographe Raymond Depardon (Errance, 2004). PARCours propose aux visiteurs curieux comme aux artistes, de vivre librement le temps et l’espace de ces lieux, sans chercher à usurper les subtilités éphémères et fuyantes qui sans cesse se dérobent.

 

Artistes créateurs : poètes de la nature

 

Les poètes accèdent à une possible définition de l’espace, entité physique, sensible, abstraite et métaphysique, liée au temps. A la recherche de l’inspiration, leurs pérégrinations les mènent inévitablement vers deux types d’espaces, à la fois semblables et dissemblables : le jardin et la ville. Ces entités sont constituées de multiples espaces existentiels où l’insondable genius loci règne en maître. L’éveil des sens nourrit la prose des poètes et apaise leurs maux (mots). Dans PARCours-PARKunst les poètes sont des plasticiens et les plasticiens des poètes. Ils manipulent des langages universaux, afin que le « mot » ne soit plus synonyme de frontières ou sujet de discorde. C’est bien la nature qui leur en offre l’alphabet. Ainsi l’Art sonne le glas de la dichotomie traditionnelle et malheureuse entre nature et culture. Déjà, en 1919 Malevitch déclarait « Nous ne pouvons pas vaincre la nature car l’homme est la nature » (Des nouveaux systèmes en Art, Vitebsk, 1919) et Tatline conférait aux matériaux une poétique séminale. La métaphore n’est pas fortuite, l’artiste est un éternel créateur à l’image de la nature, qu’il transforme en artefact.

Dans PARCours, les artistes jouent de l’interpénétration de ces deux mi-lieux confondant l’artifice aux créations de la nature. Entremêlant dans un dialogue universel, le langage cosmologique des arbres aux techniques de communications actuelles, Charley Case prouve que la nature et la technologie peuvent se ressembler sous bien des aspects. Cathy Weyders célèbre la (sur)vie avec son étonnante signalétique et Jérôme Considérant joue avec cette sémantique iconique tandis que Thierry Verbeeck dénonce les codes parfois cruels et avilissants de notre société moderne. La forme varie, s’oppose ou se répond : de la poésie manuelle de la Dame du lac d’Isabelle Copet à la machine à distribuer l’art de Romina Remmo. Ainsi, le lieu et ses éléments constituants sont révélés par les regards des artistes. Ils invitent le spectateur à saisir l'œuvre, c'est-à-dire à se projeter et s’interroger sur l’espace, sa perception et la place qu’il occupe en son sein. En effet, le lieu se dévoile dans toute la complexité de ses interactions : de l’approche cartographique imaginaire des villes de Jeroen Hollander, aux êtres immuables que sont les arbres, dont les nœuds font les liens avec Maureen Bachaus et l’écorce une empreinte avec Caroline Servais. Ce lieu, déjà habité devient fébrilement habitable avec Alice Gadrey et prend l’image d’un paradis perdu avec Nazaré Mardaga où l’esprit du lieu vieille et parfois guette le passant. Il est parfois inquiétant d’y pénétrer puisque l’on en sort changé comme lorsque l’on referme un livre de Lewis Carroll ou de Boris Vian. Si Rohan Graeffly irait presque cracher sur vos tombes, il n’en ébranle pas moins nos monuments. Et Mireille Liénard, joue de la rhétorique afin qu’aux lieux-communs se conjugue une succession d’aphorismes douillets. Les artistes procèdent d’un glissement dans la sémantique des objets. Les lieux sont interchangeables : l’objet urbain est décontextualisé avec Ludovic Mennesson ; le graffiti est anobli avec Ania Zuber ; la dichotomie entre intérieur et extérieur est altérée dans le travail d’Olivia Mortier. Les photographies de Stéphanie Roland nous entrainent dans un ténébrisme de fiction qui bouleverse notre rapport au monde. Des performances inaugurent l’évènement : Nathalie Vanheule nous mène aux confins du Sublime, vers l’inquiétant « pont du diable » et Teodora Stamenkovic nous confronte à la sémiotique des gestes de notre quotidien. Ces dernières entrent en scène dans PARCours pour rappeler que la rue, la place et le parc sont des lieux ayant un rôle historique. « Il n’y a pas d’œuvre d’art qui fasse appel à un peuple qui n’existe pas encore » déclarait Gilles Deleuze.

Théâtre des expositions universelles ou lieu de rassemblement pour les protestations, ces espaces publics ont été conquis avant d’appartenir à tous. Le parc n’est pas uniquement relégué aux loisirs, à la méditation, à la glorification nationaliste ou à l’oisiveté d’une élite. C’est un lieu symbolique qui doit aussi remplir sa fonction sociale originelle d’espace d’expression et de revendication, fonction trop souvent oubliée.

Je crois que PARCours, dans cette belle programmation artistique, peut se satisfaire d’avoir questionné, avec humour et sérieux, avec pédagogie et profondeur, notre rapport au temps, à l’espace et à ses frontières qui déchirent les êtres. Enfin, Andô Tadao peut-être satisfait, la multiplicité des propositions artistiques de PARCours-PARKunst respecte le genius loci, laissant libre court à l’esprit mobile et changeant du lieu.

« Le genius loci fait résonner le lieu.

Le genius loci est la vie.

Il est vie, pouls et rythme.

Le genius loci est un courant de forces.

Pour cette raison, on ne peut le rendre visible.

Pareil au vent, il est imperceptible.

Pareil à l’eau, il est insaisissable.

Le genius loci ne reste jamais inerte.

Il change continuellement de place. Il change d’itinéraire.

Les formes qu’il prend confèrent sa spécificité au lieu.

Il transforme le lieu.

Le genius loci existe toujours au pluriel.

Il s’exerce de différentes manières sur la terre, dans le ciel, dans l’eau ou bien encore à travers l’histoire. Ses flux s’entrechoquent et s’entrelacent. (…)»

D’après Andô Tadao poème intitulé genius loci cité lors de la conférence « Anywhere » en 1994.

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